Lanceurs d'alerte

Contexte et objectifs

Conformément à la loi du 16 mai 2023 portant transposition de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent (ci-après « le(s) lanceur(s) d’alerte »), des violations du droit de l’Union (ci-après la « Loi du 16 mai 2023 »), les lanceurs d’alerte sont protégés contre toutes les formes de représailles qui pourraient les dissuader ou les intimider, et ce, afin de garantir l’État de droit et de générer des effets d’intérêt général. La Loi du 16 mai 2023 s’applique aux auteurs de signalement travaillant dans le secteur privé ou public qui ont obtenu des informations sur des violations de droit national ou européen.

Le Luxembourg compte 22 autorités compétentes, dont l'Administration de l'enregistrement, des domaines et de la TVA (ci-après « AED »), qui a été désignée par la Loi du 16 mai 2023 comme autorité compétente pour la réception de signalements concernant l’exécution de la législation relative aux matières attribuées en vertu de la loi modifiée du 10 août 2018 portant organisation de l'Administration de l'enregistrement, des domaines et de la TVA. Pour plus d’informations concernant les attributions et compétences de l'AED, veuillez consulter la page dédiée.

Toute personne peut s’adresser à l’Office des signalements auprès du Ministère de la justice pour obtenir des informations générales sur l’autorité compétente selon le type de signalement visé.

Qui est concerné?

La Loi du 16 mai 2023 protège les lanceurs d’alerte travaillant dans le secteur privé ou public qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel (relation de travail actuelle, passée ou future), y compris:

  • les travailleurs (y compris les fonctionnaires et employés de l’État);
  • les travailleurs indépendents;
  • les actionnaires et les membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise, y compris les membres non exécutifs ainsi que les bénévoles et les stagiaires rémunérés ou non;
  • toute personne travaillant sous la supervision et la direction de contractants, de sous-traitants et de fournisseurs.

Elle protège également:

  • les facilitateurs (personne physique qui aide un lanceur d’alerte de façon confidentielle);
  • les tiers qui sont en lien avec les lanceurs d’alerte et qui risquent de faire l’objet de représailles, tels que les collègues ou proches du lanceur d’alerte;
  • les entités juridiques appartenant au lanceur d’alerte pour lesquelles il travaille, ou avec lesquelles il a des liens professionnels;
  • les personnes qui ont signalé ou divulgué des informations sur des violations de manière anonyme, mais qui sont identifiées par la suite et font l’objet de représailles;
  • les personnes qui signalent des violations auprès des institutions, organes ou organismes de l’Union européenne compétents.

Ne sont pas concernés par cette protection:

  • les signalements de violations relatives à la sécurité nationale;
  • les lanceurs d’alerte dont les relations sont couvertes par:
    • le secret médical;
    • le secret des relations entre un avocat et son client;
    • le secret professionnel auquel un notaire ou un huissier de justice sont tenus;
    • le secret des délibérations judiciaires;
    • les règles en matière de procédures pénales.
Qu’est-ce qui peut être signalé?

Le lanceur d’alerte peut signaler toute violation du droit national et/ou du droit de l’Union, c’est-à-dire les actes ou omissions qui:

  • sont illicites;
  • vont à l’encontre de l’objet ou de la finalité des dispositions du droit national ou européen d’application directe.

Il peut communiquer toute information, y compris des soupçons raisonnables, concernant:

  • de violations effectives ou potentielles;
  • des tentatives de dissimulation de ces violations;
  • qui se sont produites ou sont très susceptibles de se produire:
    • dans l’organisation dans laquelle il travaille ou a travaillé;
    • dans une autre organisation avec laquelle il est ou a été en contact dans le cadre de son travail.
Effectuer un signalement auprès de l'AED

Toute personne qui souhaite signaler des violations de législation entrant dans le domaine de compétences de l’AED peut s’adresser à cette dernière en langue luxembourgeoise, française, allemande ou anglaise:

  • via la plateforme sécurisée sur MyGuichet.lu (sans authentification)
    Signalement en français / Meldung auf Deutsch / Report in English
     
  • par e-mail à l’adresse : AED.Alerte@en.etat.lu

  • par courrier à l’adresse postale de l’AED :
    Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA
    à l’attention du chargé(e) des signalements
    Boîte postale 31
    L-2010 Luxembourg

  • par téléphone au numéro : (+352) 247-80385
     

La plateforme sécurisée sur MyGuichet.lu est à privilégier dans la mesure où ce canal permet de garantir au mieux les exigences d’indépendance et d’autonomie pour la réception et le traitement des signalements reçus conformément à l’article 17 de la Loi du 16 mai 2023.

Le canal de signalement externe de l’AED garantit l’exhaustivité, l’intégrité et la confidentialité des informations transmises. Seuls certains agents de l’AED habilités ont accès aux informations ainsi transmises et sont tenus de respecter le secret professionnel conformément à l’article 11 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État.

Tout traitement de données à caractère personnel effectué en vertu Loi du 16 mai 2023, est effectué conformément au Règlement (UE) 2016/679 du Parlement Européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE. En tant qu’autorité publique traitant des données à caractère personnel, l’AED est tenue de respecter les obligations qui lui incombent en sa qualité de responsable de traitement. Pour toute question concernant les traitements de vos données à caractère personnel effectués par l’AED, veuillez consulter la page dédiée à la mention d’information relative à la protection des données à caractère personnel de l’AED.

Suivi et traitement du signalement par l’AED

Dans la mesure où le lanceur d'alerte procède à un signalement non anonyme relevant de son champ de compétences, l'AED assure le suivi de ce signalement. Pour rappel, pour obtenir davantage d'informations sur les attributions et compétences de l'AED, l'administration vous invite à consulter la page dédiée aux attributions.

L’AED s’assure notamment:

  • d’accuser réception du signalement dans un délai de 7 jours à compter de sa réception;
  • d’en assurer un suivi diligent;
  • de fournir au lanceur d’alerte un retour d’information dans un délai raisonnable n’excédant pas 3 mois, ou six mois dans des cas dûment justifiés;
  • de communiquer au lanceur d’alerte le résultat final des démarches auxquelles le signalement a donné lieu, sous réserve des informations tombant dans le champ d’application d’une obligation légale de secret pénalement sanctionnée.

Lorsque l’AED reçoit un signalement pour lequel elle n’est pas compétente, elle le transmet dans un délai raisonnable et de manière confidentielle et sécurisée à l’autorité nationale compétente visée à l’article 18 de la Loi du 16 mai 2023. Cette dernière en informe le lanceur d’alerte.

Pouvoirs de l’AED

Dans l’exercice de ses missions, l’AED peut demander, par écrit à l’entité visée par le signalement, la communication de tous les renseignements qu’elle juge nécessaires, dans la limite du champ d’application de l’article 1er de la Loi du 16 mai 2023.

L’AED peut prononcer une amende administrative à l’encontre des personnes physiques et morales:

  • qui entravent ou tentent d’entraver un signalement;
  • qui refusent de fournir les renseignements demandés par la AED dans le cadre de sa mission ou fournissent des renseignements incomplets ou faux;
  • qui portent atteinte à la confidentialité dont jouissent les auteurs de signalements ;
  • qui refusent de remédier à la violation constatée;
  • qui, en violation de la Loi du 16 mai 2023, n’établissent pas les canaux et les procédures pour le signalement interne et leur suivi.

L’amende ainsi prononcée peut aller de 1’500 euros à 250‘000 euros. Le maximum de l’amende peut être doublé en cas de récidive dans les 5 ans à partir de la dernière sanction devenue définitive.

Un recours en réformation contre les décisions prises par l’AED en vertu de la Loi du 16 mai 2023 peut être introduit devant le tribunal administratif endéans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision.

Le lanceur d’alerte qui a sciemment signalé ou divulgué publiquement de fausses informations, pourra se voir infliger une peine d’emprisonnement de 8 jours à 3 mois de prison et une amende de 1’500 euros à 50’000 euros.

La responsabilité civile de l’auteur d’un faux signalement sera engagée. L’entité qui a subi des dommages peut demander réparation du préjudice subi devant la juridiction compétente.

Divulgation publique

Un lanceur d’alerte qui divulgue publiquement une violation bénéficie de la protection de la Loi du 16 mai 2023:

  • s’il a d’abord effectué soit un signalement interne et externe soit directement un signalement externe mais aucune mesure appropriée n’a été prise en réponse au signalement dans les 3 mois suivant le signalement; ou
  • s’il a des motifs raisonnables de croire que:
    • la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public (par exemple lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible); ou
    • en cas de signalement externe, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu’il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l’affaire (par exemple lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu’une autorité peut être en collusion avec l’auteur de la violation ou impliquée dans la violation).
Protection contre les représailles

Les conditions pour être protégé

Pour être protégé contre toutes formes de représailles au sens de la Loi du 16 mai 2023 le lanceur d’alerte doit:

  • avoir eu des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement et qu’elles relèvent du champ d’application de la Loi du 16 mai 2023; et
  • avoir effectué un signalement soit interne (via les canaux de signalement de son entreprise ou administration), soit externe (via les canaux de signalement de l’AED), soit public (suite à un signalement externe sans résultat).
     

Absence de responsabilité des lanceurs d’alerte

Les lanceurs d’alerte qui répondent aux conditions de protection n’enfreignent pas la Loi du 16 mai 2023 quant à la divulgation d’informations et n’encourent aucune responsabilité:

  • concernant le signalement ou la divulgation publique pour autant qu’ils aient eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique était nécessaire pour révéler une violation du droit;
  • en ce qui concerne l’obtention des informations qui sont signalées ou divulguées publiquement, ou l’accès à ces informations (sauf si cette obtention ou accès constitue une infraction pénale autonome);
  • du fait des signalements ou des divulgations publiques effectués, y compris dans les procédures judiciaires pour diffamation, violation du droit d’auteur, violation du secret, violation des règles en matière de protection des données ou divulgation de secrets d’affaires, ou pour des demandes d’indemnisation fondées sur le droit privé, le droit public ou le droit collectif du travail.

Ils peuvent alors invoquer ce signalement ou cette divulgation publique pour demander l’abandon de la procédure.
 

Mesures de représailles interdites

Toutes formes de représailles, y compris les menaces et tentatives de représailles, sont interdites à l’égard des lanceurs d’alerte en raison du signalement qu’ils ont effectué.

Sont notamment interdites et nulles de plein droit:

  • la suspension d’un contrat de travail, la mise à pied, le licenciement, le non-renouvellement ou la résiliation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou des mesures équivalentes;
  • la rétrogradation ou le refus de promotion;
  • le transfert de fonctions, le changement de lieu de travail, la réduction de salaire, la modification des horaires de travail;
  • la suspension de la formation;
  • les mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière;
  • la non-conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le salarié pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent;
  • l’évaluation de performance ou l’attestation de travail négative;
  • la résiliation anticipée ou l’annulation d’un contrat pour des biens ou des services;
  • l’annulation d’une licence ou d’un permis;
  • la coercition, l’intimidation, le harcèlement ou l’ostracisme;
  • la discrimination, le traitement désavantageux ou injuste;
  • le préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou les pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu;
  • la mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir au niveau du secteur ou de la branche d’activité;
  • l’orientation vers un traitement psychiatrique ou médical.
     

Action contre des mesures de représailles

Le lanceur d’alerte qui subit des mesures de représailles peut, dans les 15 jours qui suivent la notification des mesures, demander à la juridiction compétente de constater la nullité des mesures et d’en ordonner la cessation.

La personne qui n’a pas invoqué la nullité des mesures de représailles ou qui en a déjà obtenu la nullité peut encore exercer une action en dommages et intérêts.

Les personnes qui exercent des mesures de représailles ou intentent des procédures abusives contre les lanceurs d’alerte s’exposent à une amende de 1’250 à 25’000 euros.
 

Renversement de la charge de la preuve

Le lanceur d’alerte qui subit des mesures préjudiciables bénéficie d’office de la présomption que ces mesures ont été prises contre lui en représailles au signalement.

Il incombe donc à la personne qui a pris les mesures d’en établir les motifs.

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