Veto : une fois n'est pas coutume (Le Quotidien 07/06/2007)

La question de la taxation dans le pays d'origine ou dans le pays de destination :
le Luxembourg a dit non à la réforme de la TVA sur les services électroniques

La taxe sur la valeur ajoutée laisse couler beaucoup d'encre à nouveau. Les discussions au niveau du Conseil des ministres de l'Économie et des Finances ont donné lieu à un éclat : celui du veto luxembourgeois sur la taxation indirecte des services électroniques et de télécommunications.

Les commentaires que nous lisons dans la presse internationale à propos du veto luxembourgeois sont des simplifications stupéfiantes : le Grand-Duché est accusé de concurrence déloyale puisqu'il héberge des fournisseurs de services. Ceux ci profiteraient des taux réduits de TVA.

Le plus souvent, également, la proposition de la Commission européenne est mal interprétée. Il s'agit, pour les services électroniques et de télécommunications, d'appliquer la taxe sur la valeur ajoutée au lieu d'établissement ou dans le pays de résidence du client, lorsque celui-ci n'est pas un assujetti à la TVA. La proposition de la Commission vise à taxer la contre-valeur du service sur le lieu de la consommation et non pas, comme c'est le cas actuellement, dans l'État dans lequel est situé le siège du prestataire assujetti à la TVA. Le Luxembourg s'oppose à cette réforme parce que les recettes de TVA liées aux activités dans ce secteur lui rapportent l'équivalent de 220 millions d'euros, ce qui correspond à un pour cent du PIB.

«L'intérêt du pays»

 À l'issue de la réunion du conseil Écofin, Jean-Claude Juncker a qualifié la réunion de «difficile». Le Premier ministre luxembourgeois a annoncé que le Luxembourg maintiendrait son veto «tant qu'il n'y aura pas de solution satisfaisante de la question de la taxation du "business to consumer"». Tout en rappelant que «le Luxembourg n'a plus eu recours à un veto depuis 1981», Jean-Claude Juncker a déclaré que «l'intérêt fondamental du Luxembourg» était en cause cette fois. Il a donc opposé un «non de principe» à une réglementation qui veut lier la TVA au pays de destination plutôt qu'au pays d'origine du service.

Il y a lieu de ne pas confondre le débat avec la question du régime applicable au commerce électronique. Lorsque des marchandises sont vendues à un non-assujetti dans un autre pays de l'UE, le régime fiscal applicable est celui de la «vente à distance », ce qui signifie qu'au-delà un certain seuil de chiffre d'affaires, le bien est soumis à la TVA du pays de destination. D'autre part, le ministre des Finances allemand avait envisagé de débattre d'une méthode dérogatoire pour lutter contre la fraude à la TVA. Cette procédure dénommée «autoliquidation» consisterait à prélever la TVA une seule fois seulement, en fin de chaîne, sur la dernière entreprise qui commercialise un produit, au lieu de la taxer à chaque étape intermédiaire de la chaîne. Les Allemands et les Autrichiens ont caractérisé cette méthode comme «moyen efficace pour lutter contre les carrousels à la TVA». Les pays qui s'opposent à cette proposition, en particulier la France, l'Italie et l'Espagne, estiment que cette mesure ouvrirait la voie à d'autres fraudes. Ces pays craignent aussi des distorsions de concurrence.

Jean Rhein 

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